Sélectionné 26 fois en Equipe de France A, Thierry Watrice est l’un de ceux qui ont le mieux connu Michel Jazy, qui nous a quitté début février (voir article). Et pour cause, Thierry Watrice fut un de ses athlètes pendant quatre ans. Une aventure de plusieurs années qui a construit une partie au palmarès de Thierry. A savoir : champion de France sur cross, 5000m et marathon. Bref, un touche-à-tout du demi-fond ! Il coule maintenant des jours heureux en Gironde. Pour la LANA, l’ancien poulain de Jazy a accepté de nous parler de son entraineur, et de sa carrière personnelle qui fut notamment ponctuée d’un titre de champion du monde par équipe !

Comment as-tu connu Michel Jazy ?

Michel s’était proposé au club d’Ozoir (à 34km de Paris) pour devenir entraineur. Quand on s’est connu, il entrainait déjà depuis un an. Il m’avait repéré, moi et d’autres athlètes comme Dominique Bouchard, Bernadette Bretagne et quelques autres. Au final, il a été mon entraineur de 1980 à 1984.

Comme il n’y avait pas de pistes à Ozoir, on allait s’entraîner à l’Insep ou au Tremblay à Nogent-sur-Marne. C’est lui qui nous faisait les plans d’entraînement, et quand il travaillait rue du Louvre chez Adidas, et que les athlètes n’avaient pas leur plan, j’allais chercher la feuille d’entrainement dans son bureau.

Comment Michel articulait la saison ?

Il faisait les plans et le programme de compétitions. Il y avait des compétitions plus ou moins obligatoires en tant que coureurs Adidas, comme les 20km Adidas-Perrier à l’époque. Il y avait aussi le 20km de Nîmes. On allait un peu partout en France, que ce soit pour la route ou pour les cross. Mais on ne courrait pas après toutes les compétitions, on gardait quand même le temps nécessaire pour se préparer.

Quels souvenirs gardes-tu de cette année-là ?

Je me rappelle de la fois où j’étais champion de France de cross en 82. Ce jour-là, le champagne avait coulé à flots ! Il y a aussi eu le titre de champion du monde par équipe, sur 12km. On avait gagné pour seulement trois points devant les Américains. C’était un classement comme actuellement. On additionne les places, et c’est l’équipe qui a le moins de points qui l’emporte.

Ton palmarès ne se limite pas à ça.

J’ai été champion de France sur 5000 en 83, sur Marathon en 89 à Mérignac. Donc j’ai fait une petite carrière honorable. J’ai aussi gagné les 20 km de Paris devant l’Ecossais Nath Muir en 83, et le Figaro en 83. A l’époque, le Figaro, c’était un mini championnat de France. On retrouvait les 8 premiers du Figaro aux 8 premières places des France.

Il y avait d’autres athlètes du même calibre que toi dans le groupe de Michel ?

Oui, il y avait Pierre Levisse, Jacky, Boxberger, Jean-Louis Prianon, Paul Arpin, Thierry Pantel. Tous les meilleurs !

Qu’est-ce qui t’a amené en Nouvelle-Aquitaine pour poursuivre ta carrière ?

En 85, j’ai été opéré du genou à Paris, chez le professeur Saillant (qui opérait tous les sportifs de haut niveau à l’époque). Il était lui-même marathonien. Je m’étais blessé à l’entrainement, en me prenant les pieds dans un trou. Sur le coup, ça allait, c’était chaud. Mais le lendemain, je ne pouvais plus marcher. Quand mon kiné m’a vu, il m’a dit « j’appelle Saillant ! ».

Quand il lui a décrit ce que j’avais, le professeur Saillant lui a dit « amène-le tout de suite». Il m’a fait une radio, et m’a dit qu’il m’opérait dès le lendemain matin. J’avais des petits bouts d’os partout dans le genou. Ca venait se bloquer à l’intérieur. Le professeur Saillant m’a tout aspiré, il m’a refait un arrondi sur la rotule. C’était nickel ! Quatre mois après, j’étais de retour en compétition lors des championnats de France cheminots à Béziers. C’est là que j’ai rencontré un responsable cheminot qui m’a proposé de courir pour la partie sud-ouest de l’entreprise. Du coup, j’ai signé au CA Beglais parce que je faisais souvent la navette Paris-Bordeaux pour le travail. En plus, il y avait Roger Grange, un très bon entraineur. Et puis en 87 j’ai demandé à rester sur Bordeaux, et j’ai été affecté aux ateliers de Bordeaux a mis-temps, ce qui me laissait le temps de m’entrainer. Maintenant je suis retraité SNCF, et je suis toujours au CA Beglais où j’entraine les enfants de l’école d’athlétisme le mercredi après-midi.

C’est bien ce genre d’aménagement pour les sportifs de haut niveau !

J’étais payé à 100%, mais je ne travaillais qu’à mi-temps afin de pouvoir m’entrainer l’autre mi-temps. Cet aménagement m’a permis de faire les performances que j’ai réalisées. D’autres athlètes de l’équipe de France avaient les mêmes genres d’aménagement avec l’armée, la gendarmerie, la RATP, ou même EDF… Et à la fin de notre carrière sportive, nous avions un poste assuré..

Qu’est-ce que tu penses des chaussures à semelles carbones ?

Il parait que l’on vole avec ça ! Nous, on n’avait pas ça, et on faisait moins de 2h10 au marathon. Maintenant, il y a tellement de monde autour de 2h03-04…

Michel et toi, vous auriez fait mal avec des carbones, non ?!

Oui, certainement !

Justement, qu’est-ce que tu penses du niveau de niveau français en ce moment ?

Il y a beaucoup de jeunes qui montent : Gressier, Schrub… Mais le problème, c’est qu’après, quand on rencontre les Kenyans, les Ethiopiens ou même les Maghrébins, c’est encore un autre monde. Il manque encore un petit cap. Il faut passer un cran. Peut-être que Mourad (Hamdouni) y arrivera !

Merci Thierry !

Bastien Lacoste – lacoste.bastien24@yahoo.fr